Comme chaque année, Joseph, prêtre béninois, vient voir ses « anciens » comme il dit.
La conversation n’est jamais banale avec lui. Nous parlons de l’Eglise de France et nous constatons l’afflux de prêtres africains qui viennent suppléer la rareté et la vieillesse de leurs homologues français. Verrons-nous un jour des évêques africains à la tête de diocèses français ? « Juste retour des choses » entend-t-on souvent. En effet, beaucoup de prêtres français se sont investis longtemps dans les « missions ». Cette constatation suffit-elle pour clore tout débat ? Cette généralisation du « fidei donum » (« don de la Foi » appel lancé par le Pape Pie XII en faveur des jeunes églises) en sens inverse, laisse apparaître des situations très variées, tout autant du côté des nouveaux missionnaires que du côté des communautés qui les reçoivent. L’effet « exotique » passé, l’effort de l’accueil assuré, les questions restent ouvertes. S’agit-il d’occuper des prêtres à pallier le déficit de célébrations liturgiques ou de ré-évangéliser une ancienne terre chrétienne ? Dans ce cas, quelle préparation est mise en place pour que l’on comprenne bien que cette évangélisation ne se pose pas dans les mêmes termes que l’ancienne ? Il s’agissait, autrefois, d’aller porter la bonne nouvelle à des populations dites païennes mais qui adoraient leurs dieux. Le problème n’est plus celui-là pour l’africain qui débarque en France. Il a affaire, du moins dans nos campagnes, à des anciens chrétiens devenus totalement indifférents au religieux ou qui habillent encore leur besoin de spiritualité de quelques signes chrétiens vidés de leur contenu. Ne serait-il pas nécessaire qu’accueillants et accueillis prennent le temps d’étudier cette situation avec l’éclairage d’experts compétents afin que cette aide des jeunes églises envers les anciennes ne consiste pas seulement à retarder un peu le déclin de ces dernières? L’ Eglise de France serait bien inspirée d’organiser ce nouveau phénomène au lieu de le laisser à la seule discrétion de chaque diocèse ou de chaque cas individuel. Ce n’est pas tout. Ernest, originaire du Congo, prend en charge une vaste paroisse rurale. Il était, dans son pays, curé d’une mission équivalente à la moitié d’un département et, en outre, ne pouvait circuler que pendant la saison sèche. Par contre, son ministère s’appuyait sur celui d’une cohorte de catéchistes responsables des communautés de base et qui permettaient à celles-ci une autonomie réelle pour assurer les services nécessaires au développement de la Foi. Forts de cette expérience, nos jeunes successeurs africains ne pourraient-ils pas mettre en place des responsables là où existe encore un embryon de communauté chrétienne et institutionnaliser ce « ministère » là où il se pratique? Je pense plus spécialement à certaines régions éloignées des centres urbains où ces communautés se réduisent de plus en plus à une peau de chagrin et c’est bien le cas de le dire !!Mettre au service des églises anciennes leurs propres « petits fils » pour les soutenir dans leur vieillissement est peut-être une urgence et s’accorde avec le respect qu’ont les africains pour les anciens, mais s’inspirer de leur pastorale serait peut-être mieux ! Des chrétiens , partout en France, se sont formés. Les prêtres deviennent, par la force des choses, des administrateurs plus que des pasteurs. Qu’attendons-nous pour confier à ces laïcs cette évangélisation de proximité en profitant de ce besoin de spiritualité qui se fait jour au cours de tel ou tel évènement de la vie et qu’ils pourraient accompagner jusqu’à une célébration adaptée. En fait, certains le font déjà et sont reconnus comme tels par leurs compatriotes. Une fois de plus l’Esprit se joue de nos frilosités. Pour le moins, n’empêchons pas sa musique !
Jean Casanave