« Changer le monde ? Quelle drôle d’idée ! Il est très bien comme ça, le monde ». La réplique fuse, sarcastique et ironique à souhait, dans un film français à succès
Si vous partagez cet avis, ne lisez surtout pas les lignes qui suivent. Mais si vous croyez qu’un petit quelque chose, quelque part, peut être fait avec vous et d’autres, pour un moment, alors… bienvenue en carême !
Car, non, le monde ne va pas très bien. Et depuis toujours. Il suffit de regarder le journal de 20h pour s’en convaincre. Mais aussi de sonder l’intérieur de nos cœurs : l’homme est une réalité changeante et blessée. Il est abîmé et il a en plus le redoutable pouvoir d’abîmer le monde dans lequel il vit.
QUI VEUT CHANGER ?
Mère Teresa, Jean-Paul II… Certes, tout le monde n’est pas pape ou fondatrice de congrégation, prix Nobel de la paix. Nous n’avons pas toujours de rôle-clé pour influer sur le cours du temps et de l’histoire ! Ces deux personnages ont d’ailleurs commencé leur vie bien modestement, au milieu d’une certaine pauvreté et – tous les deux – dans des pays qui seront ravagés par des dictatures (l’Albanie pour l’une, la Pologne pour l’autre). Pourtant, mieux vaut allumer une modeste chandelle plutôt que de maudire l’obscurité. Comment ? En décidant d’agir et non de se résigner.
« Qui veut que ça change ? » : lorsque l’on pose cette question, les bras sont nombreux à se lever. Mais lorsque la question devient plus précise, « Qui veut changer ? », les volontaires se font plus rares. Quant à savoir précisément qui est volontaire pour conduire ce changement, on entend alors les mouches voler…
Le carême nous permet de nous poser cette question : et si je commençais par me changer moi-même ? Par les lieux et les moments où j’ai prise : ici et maintenant ? C’est l’objectif de cette quarantaine. Un tremplin pour changer la donne, inverser les logiques, contester les faux-semblants. En commençant là où c’est à la fois possible et facile : notre propre cœur. Un terrain que Dieu et nous connaissons bien, pour une vie où, Lui et nous, avons conclu une alliance éternelle.
LE VRAI COMBAT
Après avoir désigné le vrai lieu du changement, il faut encore définir le vrai combat. Beaucoup d’entre nous, en effet, partent déjà vaincus. Combien de carêmes avons-nous déjà « au compteur » ? Vingt, trente, quarante, cinquante, … plus encore ? Et pour quel résultat ? Au fil des mois, nos confessions ne sont-elles pas toujours tristement identiques ? Notre entourage ne nous reproche-t-il pas cruellement nos mauvaises habitudes ?
En fait, c’est simple… nous n’y croyons plus vraiment. Et c’est certainement là, précisément, que commence le carême. Le vrai combat n’est pas contre telle ou telle tendance, tel ou tel trait de tempérament. Il est contre le découragement. « Le démon de mon coeur s’appelle : À quoi bon » écrit Georges Bernanos dans Les Grands Cimetières sous la lune. Ce découragement est l’œuvre du démon. Forme banale de réaction devant des échecs, il est l’antichambre du désespoir vers lequel Satan veut en fait nous conduire.
Au cours de ce carême, nous aurons certainement l’occasion de méditer le chemin de croix. Plusieurs stations portent ce nom : « Le Christ tombe pour la première fois, la deuxième, la troisième… ». Ces titres sont inexacts. Le Christ ne fait pas que tomber, il se relève. A sa suite, le chrétien n’est pas celui qui ne tombe jamais. C’est celui qui se relève et qui reprend la marche. Ne cherchons pas plus loin ! Voilà où commence notre métier d’homme et de femme : lutter contre le découragement, rester endurants dans le combat spirituel, espérer contre toute espérance, affirmer sans cesse l’alliance objective et optimiste de la nature et de la grâce.
Alors, oui, en ce début de carême, portons plus que jamais nos catéchumènes, futurs baptisés de Pâques, (re)prenons une résolution dans la prière, la pénitence et le partage. Et ne baissons pas les bras devant le chantier – jamais fini – de notre propre conversion. Parce qu’une âme qui s’élève, élève le monde.
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