L’hommage national rendu à Johnny Hallyday avait sans doute quelque chose d’un peu disproportionné pour un homme qui, somme toute, n’a jamais revendiqué d’être un modèle accompli d’humanité, mais il a permis l’expression d’une culture populaire qui a marqué des générations de français depuis les années 60. Le plus étonnant, c’est que celui qui a dit « Je suis né catholique et je mourrai catholique » et qui était considéré par beaucoup comme une sorte d’idole, a entraîné cette foule innombrable vers un au-delà de lui-même dans une authentique ferveur religieuse : d’une certaine manière, ces funérailles chrétiennes ont révélé l’âme profonde d’un peuple qui n’est certes pas toujours « pratiquant » mais qui se reconnaît dans une religion catholique qui reste celle de la majorité des français en quête d’espérance. Devant l’expression d’une telle ferveur, les polémiques autour des crèches dans l’espace public paraissent bien dérisoires et décalées.
La fête de Noël – du mot latin dies natalis, qui signifie jour de la naissance – évoque la nativité de Jésus, il y a un peu plus de 2000 ans, un événement qui a changé le cours de l’histoire, qui a imprégné profondément notre culture et qui continue d’attirer des foules inaccoutumées dans nos églises en ces jours de fête. Le calendrier que nous utilisons se réfère même directement à ce que tous reconnaissent comme le début de l’ère chrétienne : nous sommes en 2017 après Jésus-Christ ! Faire mémoire des racines chrétiennes de notre histoire n’est en rien contradictoire avec le principe de laïcité. D’ailleurs il est patent qu’un peuple qui oublie délibérément son passé n’a pas d’avenir !
Par la naissance de Jésus-Christ, Dieu a fait irruption dans notre histoire et lui a donné son orientation décisive : en se faisant tout petit et vulnérable dans l’enfant de la crèche, il nous a rejoints dans notre vulnérabilité pour nous revêtir de sa puissance divine d’immortalité. En ce Noël 2017, je vous propose d’être attentifs aux personnes les plus fragiles. Certes, Jésus continue de venir à nous par la proclamation de l’Evangile et la célébration de l’Eucharistie, où il se cache sous les espèces pauvres et dérisoires du pain consacré. Mais il vient aussi à nous à travers les petits et les pauvres auxquels il s’est identifié de la crèche à la croix, ceux qui ont faim ou soif, qui sont nus ou étrangers, malades ou prisonniers : à travers eux, il vient mendier notre amour. En effet, il a dit : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger… j’étais nu et vous m’avez vêtu… j’étais malade et vous m’avez visité… Car chaque fois que vous l’avez fait aux plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (cf. Mt 25). Célébrer Noël, accueillir l’enfant Jésus emmailloté et couché dans une mangeoire, comme notre Sauveur, c’est se décider à le reconnaître et à le servir caché sous les apparences du pauvre et du petit. « Parmi ces faibles dont l’Eglise veut prendre soin avec prédilection, il y a aussi les enfants à naître, qui sont les plus sans défense et innocents de tous » (Pape François). En contemplant l’enfant de la crèche, avec Marie et Joseph, reconnaissons le caractère sacré et inviolable de tout être humain, dans n’importe quelle situation et en toute phase de son développement, travaillons pour que tout enfant conçu ait le droit de naître et d’être élevé par un père et une mère, ne laissons pas prévaloir le « droit à l’enfant » où les « droits de l’enfant » sont sacrifiés aux désirs et aux vouloirs des adultes. La civilisation de la paix et de l’amour est à ce prix.
Saint et joyeux Noël à tous !
+ Marc Aillet, Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron.