En ce début du carême les textes liturgiques nous rappellent que Jésus alla au désert pour y être tenté par le diable.
Fini le temps où l’on se demandait « où diable était-il passé !». Le voici qui revient en grande livrée dans le vocabulaire des puissants de ce monde qui se traitent périodiquement de « Grand Satan ». Il figure aussi, comme une sorte d’évidence, dans les écrits de notre Pape François. Pourtant, les Ecritures le décrivent comme une entité insaisissable et plurielle qui ne peut répondre à un seul nom. Désigné comme « le menteur », « le diviseur », « le Malin », « Lucifer », « les puissances du Mal», « l’Adversaire » et même « légion », serait-il le maître du camouflage comme le « Serpent » symbole d’éternité et de mort tout à la fois?
Sa réalité, elle, ne fait pas de doute. Il suffit, sur le plan personnel, de constater comment il nous arrive, parfois, d’être assaillis par des pensées mortifères remontant de nos égouts intérieurs et qui ne nous ressemblent pas. Sur le plan collectif, le déchaînement de la haine et de la violence n’atteint-il pas un seuil surhumain quand il se transforme en jouissance sadique et hystérique ? Pour une part, le Mal nous dépasse, nous envoûte, nous enchaîne. D’où vient-il ? Si l’homme en était le seul auteur à quoi bon la venue d’un Sauveur ? Quant à Dieu, Il ne peut pas vouloir la destruction de sa création !
Alors on fait intervenir l’Autre, celui qui n’est ni Dieu ni nous, mais ce faisant nous reculons les « pourquoi » à l’infini. En effet, comment cet Autre, fût-il paré du titre d’ange, a-t-il pu exister ? Revenons justement au Serpent du livre de la Genèse. « Vous serez comme des dieux ! » dit-il à l’homme et à la femme qui se savaient non pas « comme Dieu » mais « à l’image de Dieu ». La tentation originelle se situe à ce niveau là. Notre vocation à être « image de Dieu » ne comporte-t-elle pas, en elle-même, le risque de se prendre pour un dieu ? N’y aurait-il pas une force d’opposition inhérente à l’Amour originel qui pousserait à la transgression ? Que cela ne nous empêche pas de reconnaître lucidement notre acquiescement au péché et notre responsabilité !
Jean Casanave