La langue basque et la langue syriaque seront à l'honneur lors des vêpres du dimanche 6 mai 2018 à 16h30 en la cathédrale Sainte Marie de Bayonne pour le rassemblement diocésain "Diocèse en fête". Quelques explications...
Les Bénédictins de Belloc à Jérusalem.
Nous sommes en 1899. Les Bénédictins cherchent à s’implanter à Jérusalem. On leur propose de Abu-Gosh. L’église de cette localité est en fait une ruine mais il se trouve qu’elle est la propriété de la France et que celle ci cherche, en y installant une communauté religieuse française, à asseoir sa présence dans cet Orient en pleine recomposition.
Ce projet s’inscrivait totalement dans les desseins du pape Léon XIII qui cherchait à renforcer les églises catholiques d’Orient. Il avait déjà confié au cardinal Lavigerie le séminaire Sainte Anne à Jérusalem pour former le clergé melkite. Par le motu proprio du 14 novembre 1899, il confie donc la responsabilité du séminaire syriaque aux Bénédictins : « Considérant les avantages considérables que les fils du patriarche Saint Benoît peuvent procurer aux chrétiens d’Orient, soit par l’exercice des fonctions sacrées, soit par la création d’un centre d(études … autorisons les supérieurs de la congrégation bénédictine de la primitive observance à prendre possession du sanctuaire Abu-Gosh et à établir une communauté pour vaquer au culte divin et promouvoir les études et ainsi procurer les plus grands avantages aux chrétiens d’Orient . »
En 1901, le patriarche Ephrem II Rahmani demanda à Léon XIII l’ouverture d’un séminaire pour le rite syriaque.
L’Eglise syriaque est cette église née avant le VIIème siècle avec une liturgie propre : le rite syriaque.
Au XVIIIème siècle à Alep, deux patriarches syriaques devinrent catholiques tandis que les autres patriarches de ce rite restèrent orthodoxes.
C’est Benoît Gariador un bénédictin originaire de la maison Xiloinea des Aldudes qui est chargé de sa mise en œuvre. Il a pour mission de restaurer l’ancienne église d’Abu-Gosh et de construire un monastère-séminaire sur le mont des oliviers.
Au service du rite syriaque.
En 1904 le séminaire ouvre avec 12 séminaristes. Et le travail commence : les pères Anselme Chivas-Lassale originaire de Baigts de Béarn et Julien Puyade se mirent à collecter puis à mettre par écrit les chants de la liturgie syriaque, jusque là transmis par tradition orale. Des trésors musicaux liturgiques seraient désormais conservés.
Se joindront à eux notamment, le père Téophane Ardans de la maison Menta aux Aldudes et le père Gabriel Lerchundi de Ciboure. Ce dernier, à son retour de Jérusalem se consacrera au renouveau liturgique en langue basque.
L’oeuvre se poursuivra jusqu’en 1952 et c’est dans un grand déchirement que le père Chivas-Lassale et ses confrères rentrent à Belloc.
Le bilan de ces 50 année de labeur est éloquent. 52 prêtres « doctes et pieux » ainsi que des patriarches comme Ignace Ier créé cardinal en 2000 par Jean Paul II, le patriarche de l’église syriaque Abd-el-Ahad ainsi que 10 évêques.
Le drame des chrétiens d’Orient.
Nous voici en 2018. Le drame qui accable la Syrie et l’Irak et en particulier les chrétiens d’Orient font affluer vers l’Europe bon nombre de réfugiés.
Parmi eux des familles ont été accueillis dans notre diocèse à Bayonne, Biarritz, Guétary…
Mgr Aillet a tenu à les inviter à la journée diocésaine du 6 mai . C’est alors qu’est venue l’idée de les associer pour prier avec nous en syriaque et en araméen lors des vêpres qui auront lieu à 16h 30 dans la cathédrale de Bayonne.
Ce sera l’occasion de faire revivre ces liens si riches entre nos églises.
Un grand merci au frère Marc Doucet de l'abbaye Notre Dame de Belloc à Urt qui nous a aidé à reconstituer cette histoire et qui nous a ouvert les archives de l’abbaye. Sources : « Des hommes travaillés par Dieu » de Marc Doucet aux éditions Cerf Histoire.
Mikel Erramouspé.
- Ecouter l'émission avec Mikel Erramouspé :
Les catholiques euskaldun (= catholiques basques) sont ouverts au monde entier. Cela sera aisément constatable lors de la fête missionnaire « Diocèse en fête » qui aura lieu le dimanche 6 mai à la cathédrale de Bayonne. En effet, ce sont les vêpres chantées en basque et en syriaque qui clôtureront cette journée festive. Les catholiques euskaldun donneront le meilleur de leurs voix, et les familles syriennes, réfugiées notamment en Pays Basque à Bayonne, Biarritz et Guéthary, interpréteront un chant à la Vierge Marie ainsi que le Notre Père en langue liturgique syriaque. Il est à noter que cette langue ancienne procède de l’araméen, langue utilisée par Jésus-Christ lui-même pour leur enseigner la prière fondatrice de tous les chrétiens.
De plus, ce rassemblement chanté en commun fait spécifiquement écho à une vie partagée durant un demi-siècle par les Basques avec l’Eglise Orientale Syriaque, c’est ce que montre la photo des membres de la communauté de Belloc présents au monastère Syriaque d’Abu Gosh, situé à 20 km de Jérusalem.
En effet, cette photo, prise très vraisemblablement avant 1936 dans ce monastère, nous met en scène les pères et frères de la communauté de Belloc, dont au moins huit sont basques, et les autres sont originaires du Béarn et de l’Aquitaine. Il est indispensable de raconter l’histoire de cette collaboration commencée en 1901, qui s’est terminé en 1956.
Nous sommes dans les années 1895-1900 : et même si le conflit qui se conclura par la loi de séparation de 1905, monte en intensité entre l’Etat français et l’Eglise, le pouvoir civil qui supervise politiquement un territoire de Palestine dans et autour de Jérusalem, suggère à l’Eglise catholique de reconstruire l’église en ruines d’Abu Gosh. Simultanément, le patriarche Ephrem II Rhamani de l’Eglise orientale Syriaque demande au pape Léon XIII l’ouverture d’un séminaire pour le rite syriaque. Sachant le territoire sous protectorat français, le pape confie au réseau français de l’ordre des Bénédictins une double mission : reconstruire l’église d’Abu Gosh, et aménager la « maison d’Abraham » située tout près de Jérusalem, afin d’y constituer un petit séminaire syriaque. Le père Théophano Ardans, de la maison Xiloenia aux Aldudes, mène à bien la reconstruction de l’église d’Abu Gosh autour de laquelle prend place la communauté des moines provenant de Belloc. Dans la photo datant d’avant 1936 nous comptons 22 moines. Ils vont également prendre en charge la formation des séminaristes de la « maison d’Abraham ».
Les instructions de Rome sont très claires, les petits séminaristes doivent être formés au rite syriaque, l’ADN de l’Eglise orientale du même nom. Les moines de Belloc s’initient donc à l’arabe, et forment les élèves en arabe et en français. Ils doivent également apprendre à lire et chanter en langue syriaque, utilisée dans les célébrations. Pour ce faire ils se mettent dès 1904 à collecter puis mettre par écrit les chants et prières de la liturgie syriaque, jusque-là transmis par tradition orale. Le père Gabriel Lerchundi de Ciboure a une oreille musicale sans pareille. Il s’est formé dans les écoles musicales les plus pointues de France. A 41 ans le voilà envoyé en mission au sein de la communauté d’Abu Gosh, nous sommes en 1947. Le père effectue un travail, permettez le jeu de mots, de bénédictin, il fait le tour des meilleurs connaisseurs de la langue syriaque, à la simple écoute il est capable de retranscrire le chant sur papier. Lorsqu’il rentrera à Belloc il laissera aux archives un livre épais qui regroupe tous les chants qu’il a collecté et retranscris.
Sur une photo prise au petit séminaire de la « maison d’Abraham » et figurant également aux archives de Belloc (merci père Marc Doucet), on peut reconnaitre les pères Gabriel Lerchundi, Alphonse Arregui de Baigorry, et Placide Berasategui venu à Belloc de son village natal du Guipuzcoa, Cegama.
Du fait des troubles qui ont inondé la Palestine durant ces années 1948-1952, les moines doivent quitter Jérusalem, le relais sera pris par les Lazaristes puis les Olivétains pour Abu Gosh, mais le petit séminaire de « la maison d’Abraham » sera fermé en 1956. Le Secours Catholique achètera ensuite les locaux, et y fera dresser une pierre portant les noms des 20 pères et frères de Belloc qui ont été enterrés en Palestine, de 1936 jusque 1952.
Le 6 mai nous penserons tous à cette collaboration Belloc-Abu Gosh et nous chanterons à gorge déployée les vêpres en basque, les réfugiés syriens chanteront le "Notre Père" dans la langue même de Jésus. Rendez-vous nous est donné à 16h pile à la cathédrale de Bayonne pour se mettre les airs des psaumes à l’oreille, les vêpres commenceront à 16h30. Bienvenue à toutes et à tous !