Retour sur le festival d'Angoulême autour de la BD chrétienne.
Comme chaque année, les rues d’Angoulême se couvrent de « bulles », vastes tentes rondes où se rendent auteurs, dessinateurs et lecteurs à la recherche de dédicaces. Une poignée de ces auteurs échappent à la touffeur des tentes, il s’agit des auteurs chrétiens, qui dédicacent dans l’église de Saint-Martial, transformée pour l’occasion en temple de la BD. Les plus courageux d’entre eux ont installé leur stand à la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême. Il y gèle ! Avec leurs bonnets sur la tête et leur teint bleu, ils pourraient figurer dans un album de Peyo.
Leur vie pour des petits dessins
Dessinateur ou auteur de BD, c’est à la fois une vie et un sacerdoce pour ces super-héros pacifiques. Ils sont volontiers renfermés, ou au contraire trop bavards, comme inadaptés, déshabitués au contact avec leurs semblables… Aucune misanthropie là-derrière, mais ces virtuoses du crayon passent l’essentiel de leur vie dans leurs ateliers, avec une radio pour seule compagne, voire le chuchotement du crayon sur la feuille, pour les plus ascètes d’entre eux. Baudelaire comparait le poète à l’albatros empêché de marcher par « ses ailes de géants », les dessinateurs de bande-dessinée, quant à eux, ont des yeux d’oiseaux de nuit, habitués à scruter les petites cases et éblouis par le contact de ceux auxquels ils consacrent leurs vies : les lecteurs.
La rage de dessiner
Ces faux ermites sont de vrais philanthropes, ils se lèvent chaque matin avec la rage de dessiner la page qui sortira le lecteur du quotidien, le dessin qui sortira des cases… « On ne peut pas se contenter d’un job ordinaire et passable, il faut continuellement se surpasser », assure en privé un virtuose de la plume, Jean-François Cellier. Aucun dessinateur n’est aux 35 heures, ils renoncent à beaucoup pour se coller à leur table de travail. Ils y laissent une partie de leur santé, à commencer par leurs yeux… Il suffit de voir les dessinateurs pour constater que la grande majorité d’entre-eux porte des lunettes, alors que beaucoup n’en avaient pas en commençant leur carrière.
Le salaire de la peur du bouclage
En période de bouclage, il faut souvent envoyer promener femmes et enfants pour s’atteler à sa table comme une moule à son rocher, assure un autre, Samuel Figuière. Pour finir l’une de ses bandes dessinées, il est ainsi resté assis presque sans interruption pendant vingt jours, avant de découvrir qu’il ne rentrait plus dans ses chaussures. Ses pieds étaient comme « gonflés d’eau », à force de conserver la même position. Pourtant, rares sont les dessinateurs qui voient leur sacrifice récompensé d’un salaire mirobolant, dessiner des vies de saints n’a manifestement rien d’incompatible avec l’action de tirer les diables par les queues. Alors ami bédéphile, ou simple amateur de vie de saints, un auteur vous implore : « Par pitié, ne consommez par la BD comme un McDo… ».