"Allez ! De toutes les nations faites des disciples." (cf. Mt 28, 19) Notre chemin passe par le quartier Darralde de navarrenx
Le dimanche 31 mars, notre église de Navarrenx résonnait des mots de la Lettre aux Philippiens, par laquelle saint Paul nous rappelle qu'aucun de nous ne doit hésiter un jour à laisser derrière lui ce qui fait sa vie quotidienne et, porté par le Christ, partir en chemin, en mission à la rencontre des autres et témoigner. Nous étions invités par notre curé à, selon ses mots, à ne pas faire de l'office dominical cette "parenthèse tous les sept jours", et à sortir de nos murs, autant physiques que mentaux, à quitter nos conforts et à aller vers les autres. Les autres, ces inconnus...
Il est vrai que pour la plupart d'entre nous, reconnaissons-le, une fois l'ite missa est passé, nos habitudes reprennent bien vite le dessus. Nous ressortons du bâtiment-église, mais que faisons-nous du message de l'Eglise?
A bas les habitudes ! Ce dimanche là, simplement armés de notre foi et de notre désir de témoigner, nous nous retrouvâmes une petite dizaine de paroissiens prenant avec enthousiasme le chemin du quartier Darralde... Darralde ?! N'y pensez pas, c'est la périphérie de la ville, personne n'y passe jamais, d'ailleurs l'entrée de la rue qui y mène est ornée d'un panneau signalant le cul-de-sac.
Personne ne prend ce chemin? Raison pour nous y rendre! Nous répartissant entre les trois lots de maisons, nous frappions aux portes. Qu'allions-nous recevoir? Indifférence? Méfiance? Hostilité? Qu'importe. "Tu reçois une claque? Tends l'autre joue et passe ton chemin"... L'appréhension nous habitait tout de même un peu. "On ne sait jamais..."
Or à notre stupéfaction, non seulement les portes s'ouvraient, mais les visages d'abord étonnés se mettaient à écouter... Mieux, s'éclairaient! Ces gens du bout de tout, voilà que d'autres venaient les voir! Des inconnus venaient leur parler! Des frères! Des dialogues s'engageaient. Nous venions de mettre en pratique l'évangile, j'avais soif et vous m'avez donné à boire... Nous découvrions des frères et des sœurs ayant soif mais ne sachant pas trouver la source ou n'osant pas s'y rendre. Nous qui tous les dimanches avons à boire, nous leur apportions un peu de notre source. En partage! Et nous leur promettions de revenir: pour une cérémonie des Rameaux, chez eux, devant leurs maisons!
Ce deuxième dimanche suivant, ce 14 avril, jour des Rameaux, dans l'après-midi, sur un espace ouvert devant le quartier, nous sommes donc revenus. Une cérémonie de "Rameaux-bis", en quelque sorte, après la procession et l'office du matin. Et surprise, les invisibles d'hier étaient là, présents. Nous retrouvions ceux qui avaient entr'ouvert leurs portes. La belle et simple cérémonie rythmée par des chants ouvrait aussi les cœurs... Mélange d'étonnement et d'un certain bonheur: d'autres étaient venus pour eux... La cérémonie devait s'achever sur un partage de quelques jus de fruits et gâteaux, et d'échanges.
L'on peut se lamente sur "la disparition du tissu chrétien" dans nos pays, sur ces églises que l'on dit peuplés de têtes blanches... que faisons-nous pour les rajeunir? Gardons d'abord les cœurs jeunes, première condition des conversions. Et allons vers les autres. Souvenons-nous que l'ailleurs commence là où finit notre propre personne, c'est-à-dire tout près de nous... Il ne suffit pas d'aller loin pour trouver des terres à moissonner. La distance entre les hommes, parfois elle est toute proche. Abolissons-la. Sachons aussi que l'humanité est une jungle, mais qu'en la travaillant selon le dessein de Dieu, elle peut devenir un jardin. Jardiner avec et pour les autres, c'est aussi empêcher la jungle de reprendre le dessus en nous-mêmes.
De toutes les nations faites des disciples...? Et de tous les quartiers aussi ! Arrivés avec scrupule au départ, nous repartions dans la confiance partagée. Et c'est alors que nous entendions "revenez!", tandis que d'autres, allant désormais plus loin, annonçaient "nous viendrons !" Assurément, ce dimanche 14 avril, les rameaux fleurissaient, au quartier Darralde de Navarrenx.
Patrice de La Condamine