Soeur Bernadette Moriaux est devenue ce 11 février la 70e miraculée de Lourdes. Pour être qualifié de "miracle" son cas a suivi un long processus qui, par faute d'être connu, nourrit souvent les fantasmes les plus fous. Décryptage.
Qui apporte les dossiers de guérisons et comment sont-ils traités ?
La personne elle-même. « C’est sœur Bernadette qui m’a procuré les documents de sa vie médicale passée, soit 40 ans dans son cas, détaille le docteur Alessandro de Franciscis, médecin et président du bureau des constations médicales de Lourdes depuis le 1er avril 2009. Si le médecin juge que l’enquête mérite d’être poursuivie il demande à la personne de réunir le maximum de documents possibles. Sœur Bernadette s’est ensuite soumise à une expertise psychiatrique, neurologique, de médecine physique et de réhabilitation… » La collaboration de la personne guérie est donc fondamentale et cette phase peut durer plusieurs années. « Le dossier de sœur Bernadette Moriaux doit peser trois ou quatre kilos », souligne le docteur pour qui il s’agit du troisième miracle.
Quels sont les critères pour qualifier une guérison d’inexpliquée ?
Pour qu’une guérison soit qualifiée d’inexpliquée il y a sept critères. « Il doit s’agir d’une part du diagnostic d’une maladie connue, grave, et au pronostic défavorable et, d’autre part, la guérison doit être imprévue, instantanée, complète, durable et sans explication connue », détaille le médecin. Dans le cas de sœur Bernadette Moriaux il s’agissait du syndrome de la queue de cheval, une atteinte pluriradiculaire des racines lombaires et sacrées.
À quels moments intervient le bureau des constatations médicales de Lourdes ?
« Dans le cas de sœur Bernadette Moriaux nous nous sommes réunis à trois reprises (2009, 2013 et 2016) mais nous aurions pu faire plus de réunions, cela dépend de la vitesse à laquelle le dossier est fourni », indique le docteur Alessandro de Franciscis. Le comité médical international de Lourdes (CMIL) se réunit quant à lui une fois par an. Le bureau des constatations médicales de Lourdes a constaté le 7 juillet 2016, le caractère imprévu, instantané, complet, durable et inexpliqué de la guérison et c’est le 18 novembre 2016 que le CMIL a confirmé « la guérison inexpliquée, dans l’état actuel des connaissances scientifiques ».
D’inexpliquée à miraculeuse, n’y a-t-il qu’un pas ?
« Oui mais c’est un pas immense », précise le docteur de Franciscis. La médecine juge d’une guérison inexpliquée. Le miracle relève du domaine du religieux et « c’est l’évêque de l’endroit où vit la personne guérie qui en juge ».
Quelle part représente les dossiers validés sur l’ensemble des dossiers traités ?
Depuis sa création en 1883, le bureau des constations médicales de Lourdes a cumulé dans ses archives « quelques 7.000 dossiers de guérison », explique son président. « Seuls » 70 cas ont été reconnues à ce jour miraculeux par l’Église catholique.
N’est-ce pas étrange pour un médecin d’occuper un tel poste ?
« Des journalistes de l’AFP m’avait baptisé “le drôle de médecin”. C’est assez vrai, tous mes confrères dans le monde s’occupent de personnes malades et dépensent leur énergie pour les guérir. Dans mon cas, les personnes viennent me voir pour me dire qu’elles sont guéries. Mais c’est un privilège et une expérience unique », témoigne le médecin.