La paix, œuvre de justice et d’amour.
« Dieu a jugé bon […] que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel » (Col 1, 19-20).
La paix est un don précieux que le Christ Jésus nous a acquis de haute lutte, à travers un combat si bien évoqué par la séquence liturgique de la fête de Pâques : « La mort et la vie se sont affrontés en un duel prodigieux : le Maître de la vie mourut, vivant il règne ». Alors que les forces de mort qui se déploient dans le monde s’étaient coalisées contre le Christ « devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix » (Ph 2, 8), elles ne purent le retenir en leur pouvoir et, le troisième jour, il sortit vainqueur du tombeau !
La commémoration du centenaire de l’armistice de 1918, qui mettait fin à l’une des guerres les plus meurtrières de l’histoire, nous remet en mémoire le drame de toutes les guerres avec leur lot d’innocents, souvent sacrifiés aux intérêts des puissants et des pouvoirs corrompus. Et on entend encore retentir le cri du Bienheureux Pape Paul VI devant l’assemblée générale des Nations Unies, en 1964 : « Plus jamais la guerre, plus jamais la guerre » !
Pour autant, la paix n’est pas seulement l’absence de guerre, elle est l’œuvre de la justice et le fruit de l’amour jusqu’au don de soi, comme Jésus nous en a donné le suprême témoignage en donnant sa vie pour nous, alors que nous étions encore ses ennemis. Elle exige que nous fassions passer le bien dû à autrui et la reconnaissance de ses droits fondamentaux avant nos propres intérêts et nos désirs subjectifs. Elle peut même requérir le sacrifice de notre propre vie, comme le lieutenant-Colonel Arnaud Beltrame vient de nous en donner un exemple héroïque, en raison de son idéal de soldat et de sa foi. On sait maintenant qu’il puisa dans sa foi de catholique fervent le courage de donner sa vie pour en sauver une autre : quel message éloquent à la veille de la semaine sainte !
Du terrorisme, qu’il soit politique ou religieux, nous viendrons à bout en faisant œuvre de justice et d’amour, jusqu’au pardon et à la réconciliation. En ce sens, on ne peut que se réjouir du climat apaisé qui règne aujourd’hui au sein des familles et des villages du pays basque longtemps divisés, meurtris, voire ensanglantés par la violence aveugle et ses conséquences.
Les Etats généraux de la bioéthique et l’ampleur des phénomènes migratoires, qui ne laissent pas d’inquiéter nombre de nos concitoyens, nous pressent encore d’accueillir, de protéger, de promouvoir et d’intégrer les plus fragiles et les plus vulnérables : les enfants à naître, en particulier ceux que l’on voudrait priver légalement de père, les personnes déplacées qui fuient la guerre, la persécution ou la famine, les personnes en fin de vie exposés gravement à une « culture du déchet », tous les innocents qui sont exposés à la violence des hommes ou sont considérés comme une menace à nos égoïsmes.
Je ne saurais trop vous inviter en particulier à vous approprier le message que les évêques de France viennent d’adresser à tous les hommes de bonne volonté pour affirmer leur opposition éthique à la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie : « Ce serait inscrire au cœur de nos sociétés la transgression de l’impératif civilisateur : ‘Tu ne tueras pas’. Le signal envoyé serait dramatique pour tous, et en particulier pour les personnes en grande fragilité, souvent tiraillées par cette question : ‘Ne suis-je pas un poids pour mes proches et pour la société ?’ Quelles que soient les subtilités juridiques recherchées pour étouffer les problèmes de conscience, le geste fratricide se dresserait dans notre conscience collective comme une question refoulée et sans réponse : « Qu’as-tu fait de ton frère ?’ ». Nous n’en n’appelons pas moins à promouvoir les soins palliatifs insuffisamment développés et dont les possibilités de soulagement de la souffrance sous toutes ses formes ne sont pas assez connues, afin de permettre une fin de vie la plus apaisée possible.
Que le Christ Ressuscité, vainqueur de la mort, de la violence et de la haine, éclaire notre conscience et nous donne la force d’agir en faveur de la paix, celle que Jésus nous a acquise par le sang de sa Croix.
Joyeuses et saintes fêtes de Pâques à tous !
+ Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron.