Curé de paroisse en banlieue parisienne, le père Pierre Amar est l’un des fondateurs du Padreblog, site qui offre une parole de prêtres, franche et réactive sur l’actualité. Il est également l’auteur de Internet, Le nouveau presbytère aux Ed Artège
Aleteia : Vous interveniez lors du Congrès Mission au sujet de l’évangélisation sur les réseaux sociaux. À l’heure où on trouve tout et n’importe quoi sur ces réseaux, est-il réellement possible d’évangéliser sur Internet ?
P. Pierre Amar : Cela dépend ce que l’on entend par « évangéliser ». Rencontrer le Christ sur Internet est à mon avis impossible. Si c’était le cas, Dieu n’aurait pas envoyé son propre Fils à la rencontre des hommes pour sauver le monde : il nous aurait juste envoyé une lettre ou… un mail ! Mais les réseaux sociaux, et Internet en général, restent cependant une opportunité phénoménale pour faire connaître Jésus et son Église. En quelques clics, une vidéo bien faite, une image bien commentée, un article bien senti, peuvent toucher des dizaines de milliers de coeurs : bien plus qu’en une année d’homélies dans une paroisse ! Quel est le profil de l’utilisateur catholique de Twitter ou Facebook ? (caractéristiques que vous avez pu observer durant votre longue carrière de Twittos/blogueur) Il n’y a pas de profil type, et heureusement ! Chacun son charisme et son talent. Certains font des « tweet-homélies » (c’est le cas de Mgr Giraud, évêque de Sens-Auxerre) d’autres réagissent face à l’actualité (c’est plus le cas des prêtres du Padreblog), d’autres entretiennent des mini-dialogues avec leurs followers. C’est une véritable symphonie où chacun joue d’un instrument différent. Le chef d’orchestre reste l’Esprit-Saint : depuis la Pentecôte, il inspire les disciples du Seigneur afin que chacun entende parler du Christ dans sa langue. Et il s’en sort plutôt pas mal ! À quels procédés est-il possible de recourir pour faire œuvre d’évangélisation ? Je n’en vois qu’un seul : la rumeur, en anglais, le « buzz ». Il faut faire du buzz pour Jésus ! C’est le moteur d’Internet mais il est aussi très présent dans les évangiles. Je tente de l’expliquer, exemples à l’appui, dans mon ouvrage. Et le pape François a dit exactement la même chose lors des JMJ de Rio en s’adressant aux jeunes : « espero lio » leur a-t-il dit. Une expression espagnole un peu familère qui pourrait se traduire par « je veux du bruit ! » ou « je veux du désordre ! ». Hier comme aujourd’hui, Jésus ne peut en effet demeurer vivant dans notre histoire qu’à la manière dont il y est entré : poussé par la rumeur de ceux qui le suivent. L’enjeu est grand : il faut que Jésus soit connu et aimé ! Quels conseils spécifiques prodigueriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait évangéliser via internet ? Je lui conseillerai d’abord de témoigner à visage découvert. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler : l’anonymat n’est pas catho-compatible. Un chrétien ne peut pas avancer masqué sur le Net. Je lui conseillerai ensuite de pratiquer régulièrement des périodes de « jeûne numérique », pendant le carême par exemple. Enfin, je lui rappellerai qu’Internet n’est pas un média mais un lieu, « un continent » disait le pape Benoit XVI. Cela dit, sa qualité de présence et son désir d’entrer en dialogue, sa capacité à se laisser auto-évangéliser, le thème traité sont autant de points de vigilance s’il veut rassembler des brebis avec des souris. Quels sont les écueils à éviter ? J’en vois trois : la gestion du temps d’abord. Le temps donné (Internet est chronophage) comme le temps passé à assimiler les choses. La vitesse d’Internet dépasse notre capacité de réflexion et de jugement. Le deuxième point est la gestion de la présence. Internet a inventé une nouvelle race de gens : les présents-absents ! Ils sont là, mais ils sont ailleurs… Sur Internet ! Bref, ils ne sont pas là. Qui n’a jamais vécu ces rencontres où l’interlocuteur a les yeux rivés sur son smartphone ? Il est urgent que ce monde retrouve des présents-présents. Le troisième écueil est le risque de la starisation. En effet, la notoriété numérique devient très vite une notoriété médiatique. C’est ce que j’appelle le « marketing de soi » qui est tout simplement le combat de l’orgueil humain. Un bon accompagnement spirituel et l’acceptation d’une supervision sont des aides très appréciables. Elles permettent aussi une vraie prise de recul : ce n’est pas parce qu’un post publié sur Facebook a été « liké » des milliers de fois que je sauve le monde… Cela passe par des questions aussi simples que celles-ci : être populaire, est-ce mon but dans la vie ? Mon double numérique est-il vraiment ce que je suis ? Chaque année, à l’occasion de la journées des communications sociales, les papes successifs ont proposé des points de vigilance particulièrement intéressants.
Alétéia