Chaque année, les Marcheurs de l'Espérance, composé de personnes en situation de précarité, d'animateurs du Secours catholique, marche vers Compostelle. Au retour, ce cheminement se poursuit à travers la réflexion, le témoignage et l’écriture.
« Eric, 45 ans, sortait de taule. Il a effectué deux marches sur le chemin de Saint-Jacques avec nous, et maintenant il travaille… Victor, 18 ans, était en squat ; au retour, il a rencontré une fille et a été embauché dans une mairie. Et je pourrais multiplier les exemples ! », explique Alexandre Bosc, l’infatigable animateur du Secours catholique de Marseille qui accompagne le projet des « Marcheurs de l’Espérance ».
« Jour après jour, on traverse des régions formidables que je voudrais avoir toujours devant mes yeux. » Jean-Pierre. © Kim Chabert
UN PROJET INSPIRÉ
C’est en avril 2011 qu’a débuté ce projet. « Durant la préparation, explique Alexandre, une petite voix m’a suggéré de vivre cette première étape pendant la Semaine sainte et d’arriver à Conques pour la veillée pascale… Les marcheurs de l’Espérance ancrés dans la lumière de Pâques, de la Résurrection !
« Se ressourcer, ce n’est pas un supplément d’âme, un truc de riche… Ce n’est pas un luxe ! » Eric. © Kim Chabert
Les marcheurs de l’Espérance ancrés dans la lumière de Pâques, de la Résurrection !
Nous avons rassemblé des personnes en situation de grande précarité des accueils de jour de Marseille et Avignon, et nous sommes partis d’Aubrac pour dix jours de marche. Un clin d’œil : l’église y est dédiée à Notre-Dame-des-Pauvres… » Depuis lors, l’équipe des marcheurs se retrouve chaque année pour poursuivre la route. Du 14 au 24 avril, ils relieront San Juan de Ortega à Sahagun, sur le Camino francés en Espagne.
« Sur le chemin, j’ai senti une présence. Même quand nous sommes au plus bas, il y a une force qui nous maintient. » Kaddour. © Kim Chabert
Ce chemin, c’est le remède à toutes mes angoisses.
« Le chemin de Compostelle m’a permis de me retrouver moi-même, de m’interroger sur ma foi, sur mes projets, de profiter des paysages, de vivre un vrai contact humain entre nous, en toute simplicité », témoigne Kaddour qui, après avoir traversé une longue période de soins, se forme pour devenir à son tour travailleur social. « Ce chemin, complète Mustapha, c’est le remède à toutes mes angoisses. Chaque jour, j’en prends une goutte ! »
« Je reviens plus fort. Je sais qui je suis. J’ai fait le point. On a donné du sens. » Victor. © Kim Chabert
LE CHEMIN DU RETOUR
Et ce ne sont pas là de vains mots : au retour, le chemin continue. Beaucoup de marcheurs deviennent bénévoles dans les accueils de jour du Secours catholique de Marseille ou d’Avignon, ou au Groupe d’Entraide Mutuelle. Ils éprouvent également le besoin de partager leur expérience en témoignant.
« Je ne suis pas écrasé par le regard des autres, la pression sociale, la laideur, le bruit… » Momo. © Kim Chabert
« En 2013, confirme Alexandre, ils ont réalisé à Lourdes une exposition de photos pour Diaconia, le rassemblement sur la place des plus pauvres au cœur de l’Église. Il y a aussi les temps d’entraînement, de relecture du chemin parcouru. Et les temps d’écriture, puisque les marcheurs ont publié deux livres sur leur aventure » (voir encadré). Ils sont également en lien avec la théologienne Gwenola Rimbault qui travaille à partir de la parole des personnes en situation de précarité.
UN ENTHOUSIASME CONTAGIEUX
Fort de ces fruits abondants, ce projet a fait des émules. En 2016, pour le 70e anniversaire du Secours catholique, toutes les délégations se sont mises en marche. Neuf autres groupes de marcheurs en précarité ont vu le jour au Secours catholique de Lyon, de la Somme, des Hauts-de-Seine, du Limousin, de Bordeaux, Dax et Grenoble, ainsi que dans une équipe de Chrétiens quart-monde à Toulouse, et de l’association Magdala à Lille.
« Marcher, c’est aller vers soi pour emprunter le chemin de la fraternité. » Alain. © Kim Chabert
Le groupe de Grenoble, après avoir arpenté les chemins de Saint-Jacques, est reparti cette année pour relier Paris au Mont-Saint-Michel.
Tous retrouvent un nouvel élan dans la vie.
Grâce à ces initiatives, les marcheurs s’engagent sur un véritable chemin de renaissance. Certains retrouvent un logement, un travail ; d’autres entreprennent des soins, des formations.
« Ce qui nous permet de nous relever, c’est de renouer avec la confiance sur laquelle tout va se construire. Le plus important, c’est de considérer la personne. » Alexandre. © Kim Chabert
Et tous retrouvent l’estime de soi et un nouvel élan dans la vie. « J’ai retrouvé mon étoile », conclut Victor. Une belle victoire sur la route de l’Espérance.
Publié dans Pèlerin, n°28 février 2018