Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien ! Nous venons de clôturer les deux premières années du « Parcours Cléophas » qui a vocation à former des disciples missionnaires, et nous n’en avons eu pour l’heure que des échos discrets. Je remercie l’équipe d’animation de ce Parcours qui, sous la houlette de Catherine-Marie Chassagne, a mené à bien ce projet. Avec le Conseil épiscopal, nous avions passé commande d’un parcours en deux ans dont l’objectif principal était de donner les moyens à des fidèles laïcs, envoyés par leur curé ou leur responsable de mouvement ou de service, d’approfondir leur identité de disciples de Jésus et de missionnaires de son Evangile auprès de ceux qui se tiennent à distance de nos communautés paroissiales : une année pour être davantage disciple, en entrant toujours plus profondément en relation personnelle d’amitié avec le Christ ; une année pour être davantage missionnaire en apprenant à témoigner de cette rencontre transformante avec Jésus. J’avais fait part de cette intuition dans mes deux premières lettres pastorales : « La Charité du Christ nous presse - l’urgence de la mission » (2010) et « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile - un plaidoyer pour une Église de disciples-missionnaires » (2013).
Le résultat va bien au-delà de nos espérances. Et c’est là où je perçois que ce parcours ne se situait pas dans l’ordre strict d’une planification prévisionnelle ou d’un simple fonctionnement organisationnel.
C’est peut-être ce qui explique pourquoi d’aucuns se demandent où nous en sommes de nos projets pastoraux diocésains. Non que les accompagnateurs du parcours n’aient pas dû déployer des trésors d’énergie, en termes de programmation ou d’organisation, mais ils se sont laissé bousculer par l’Esprit-Saint qui est le véritable protagoniste de la mission de l’Église. A tel point qu’il apparaît clairement à tous qu’ils ont vécu durant ces deux années une authentique « aventure spirituelle », tant les accompagnateurs et les candidats ont fait l’expérience de l’action de l’Esprit Saint dans leur vie. Les témoignages reçus convergent : beaucoup me disent avoir approfondi leur rencontre personnelle avec le Christ, voire fait une rencontre décisive avec Lui ; d’autres parlent du Parcours Cléophas comme d’un chemin de guérison intérieure ; d’autres encore y ont reçu un nouvel élan missionnaire qui s’est concrétisé dans leur paroisse par la mise en oeuvre, avec joie et succès, d’initiatives d’évangélisation innovantes en direction de ceux qui sont loin. L’objectif de ce parcours n’est pas tant de former des laïcs pour collaborer à la responsabilité propre des prêtres qui est d’enseigner, de sanctifier et de gouverner la portion du Peuple de Dieu qui leur a été confiée par l’évêque ; tout cela restant évidemment d’actualité. Mais il est de former des laïcs à devenir co-responsables de la mission de l’Église qui est de proclamer l’Évangile à toute la Création. Comme je l’ai expliqué dans ma dernière lettre pastorale, « Mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu » (2018), co-responsables, non de la mission spécifique des pasteurs, mais de la mission générale de l’Église, avec la responsabilité propre qui incombe aux laïcs d’animer chrétiennement les réalités temporelles et d’être prophètes de la Parole et témoins de l’amour dans les réalités du siècle.
Le grand défi qui se présente maintenant à ces « Cléophas » qui, à l’instar des disciples d’Emmaüs, ont reconnu le Seigneur présent et agissant dans leur vie, en particulier à travers la Parole, les sacrements et la vie fraternelle, c’est d’abord de partager leur expérience au sein de leurs familles et de leurs communautés, selon l’exhortation de Jésus : « Rentre à la maison, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Mc 5, 19). Il est ensuite d’être, avec leurs pasteurs, les pierres de fondation d’une « fraternité missionnaire paroissiale » qui vivra des cinq essentiels de la vie de l’Église – prière, formation, fraternité, service et évangélisation – et portera des initiatives missionnaires en direction de ceux qui sont loin.
C’est le grand enjeu de notre projet diocésain missionnaire, que nous portons depuis des années, de constituer ces communautés vivantes et appelantes qui sont la condition sine qua non de l’Évangélisation, comme je l’ai rappelé dans ma dernière lettre pastorale (ch. IV, 2), selon le commandement nouveau que Jésus donnait à ses disciples, dans le contexte eucharistique de la dernière Cène : « A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).
C’est le coeur même du projet des « pôles missionnaires » que nous préconisons pour la transformation pastorale de nos paroisses. Il y a la formation des fidèles laïcs et il y a la formation des futurs prêtres. A ce sujet, le Séminaire diocésain des Saints Coeurs de Jésus et Marie ouvrira à la rentrée prochaine une nouvelle page de son histoire. En effet, après vingt-cinq ans de ministère dans les séminaires, dont les cinq dernières années comme Recteur, j’ai appelé l’abbé Philippe Beitia au Conseil épiscopal comme Vicaire épiscopal et je tiens à le remercier pour sa fidélité compétente et dévouée au service de la formation des séminaristes. Pour lui succéder, j’ai nommé l’abbé Louis-Marie Rineau, de la Fraternité St-Thomas Becket, déjà professeur et père spirituel au Séminaire, et Directeur de l’ATPA. La formation sacerdotale demeure l’un des chantiers prioritaires de notre diocèse. Je les confie tous les deux à votre prière, ainsi que les vocations sacerdotales dont le diocèse a urgemment besoin.
Mgr Marc Aillet, Editorial revue Notre Église n°104 - Juin 2019