Pour le deuxième été consécutif, la paroisse Saint-François-Xavier de Navarrenx propose un accueil missionnaire des pèlerins en route pour Compostelle. Reportage.
Assis au bord du GR 65, vêtus des mêmes t-shirts blancs brodés de la phrase « Jésus ma joie, mon espérance et ma vie ! », et portant autour du cou une croix en tau de couleur bleue, Blandine, Blanche, Élisabeth, Laetitia et Louis interpellent les jacquets en marche vers Compostelle : « Bonjour ! Est-ce que vous voulez que l’on marche avec vous ? » « Si vous voulez », répondent, décontenancés et curieux, Jacques, Nicole et Laurence, sac au dos et chapeau sur la tête. Direction Navarrenx (Pyrénées-Atlantiques), la fin de l’étape du jour pour les trois marcheurs.
Alors que le groupe se remet en marche, Blandine leur explique entre deux champs de maïs ce qui a motivé leur proposition. « Avec mes amis et la paroisse Saint-François-Xavier de Navarrenx, nous accueillons les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques. À votre arrivée, vous êtes invités à un temps d’accueil à l’église, suivi d’un verre de l’amitié. Vous êtes les bienvenus ! » La discussion s’engage entre les marcheurs et Blandine, étudiante à Paris, au sourire XXL. Elle demande : « Depuis quand êtes-vous partis ? Jusqu’où marchez-vous ? »... Le groupe effectue le pèlerinage entre Le Puy et Compostelle par tronçons. À raison d’une semaine par an et en ayant commencé à marcher en 2010, ils seront à Compostelle l’année prochaine si tout va bien.
Couper les amarres
Après deux heures de marche, Laurence confie à Blandine : « Ce chemin est une quête : une quête de sens à nos vies, une quête de nous-mêmes. Il m’a fallu du temps pour arborer une coquille Saint-Jacques sur mon sac. Je me découvre plus croyante que je ne le pensais... » Arrivés à Navarrenx, les pèlerins et Blandine se saluent avec le franc sourire de ceux qui ont vécu une rencontre sans faux-semblants. Les marcheurs doivent trouver l’hôtel où ils vont faire étape. Ils promettent de venir à 18 h à l’accueil des pèlerins proposé à l’église du village. Douchés et changés, Nicole, Jacques et Laurence – rejoints par Pierre-François, l’époux de cette dernière – se retrouvent sur les bancs de l’église Saint-Germain de Navarrenx. Comme eux, une quinzaine d’autres jacquets écoutent l’abbé Ludovic de Lander, curé du lieu, parler du chemin vers Compostelle et de sa spiritualité. Visiblement, certains marcheurs ne s’attendaient pas à un tel discours. À coups d’anecdotes personnelles drôles ou émouvantes, le prêtre du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron-Sainte-Marie saisit son auditoire. « Je suis certain que chacun d’entre vous a entendu cet appel à marcher vers Compostelle », explique le quadra, en bras de chemise, portant une coquille en pendentif sous son col romain. « Vous avez su couper les amarres ; alors ne restez pas les yeux rivés sur vos chaussures lorsque vous marchez, mais cherchez à tourner votre cœur vers Dieu. Le chemin de Saint-Jacques n’est pas une randonnée ; c’est un pèlerinage », insiste-t-il. Étienne, 34 ans, n’a pas perdu une miette de ses propos. Il s’est lancé seul sur le chemin après une rupture amoureuse et une dépression qui l’a conduit à l’hôpital. Enthousiaste, il confie : « J’ai trop “kiffé” ce qu’a dit le curé ! »
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« Mille ans de prières et de souffrances sur ce chemin »
Depuis l’année dernière, l’abbé de Lander, de jeunes étudiants comme Blandine et ses amis, ou encore des séminaristes, récoltent confidences et interrogations de chercheurs de Dieu qui ne disent pas leur nom. Durant tout l’été, des missionnaires vont se relayer à Navarrenx pour partager leur foi avec ceux qui doutent, s’interrogent ou même nient. Lise se dit ainsi athée. Le curé de Navarrenx vient de lui offrir une prière, griffonnée sur un bout de papier. « Elle s’est engagée à la prier quotidiennement jusqu’à Compostelle, et m’a confié que c’était le plus beau cadeau qu’elle ait reçu sur le chemin », glisse avec un sourire le prêtre, qui évangélise autour d’un verre de Bergerac blanc et d’une coupelle de gâteaux secs.
Curé de cette paroisse rurale de quarante-trois clochers, l’abbé de Lander en est persuadé : « Mille ans de prières et de souffrances sur ce chemin ont permis de créer une véritable autoroute spirituelle. Sur le chemin de Compostelle, on est connecté en wi-fi avec le Ciel ! » Lui-même marche régulièrement sur les chemins qui mènent en Galice, « depuis 1989 et les JMJ de Compostelle. J’avais 17 ans », se souvient cet amoureux du chemin que la prière des foules a sanctifié.
Arrivé en septembre 2013 à Navarrenx, le prêtre a rapidement souhaité « booster » la pastorale à destination des plus de 15 000 personnes qui transitent chaque année par la petite cité fortifiée en direction de Compostelle. « Je suis l’héritier du Père Ihidoy, curé de Navarrenx de 1981 à 2001. À une époque où aucun accueil n’existait au village, il a ouvert le presbytère aux pèlerins, leur préparant la soupe et en allant parfois jusqu’à leur prêter son propre lit », raconte l’abbé de Lander. Il y a trois ans, des religieuses âgées ont quitté Navarrenx, laissant disponible une maison vétuste mais proprette, et surtout idéalement située à proximité de l’église et du GR. La Maison Saint-Antoine est devenue un donativo, une halte sur le chemin, où l’on peut manger et dormir en échange d’une libre participation aux frais. Chaque soir, après le temps d’accueil à l’église et l’apéritif, les marcheurs peuvent s’installer autour de la table. « Cinq ou six au maximum pour que nous puissions vraiment vivre une rencontre avec chacun », explique Sabine Courtois.
Les pèlerins attendent d’être bousculés
Grâce à la Mission Théresienne, une association qui invite les jeunes à prier pour les vocations et les prêtres, l’abbé de Lander a fait la connaissance de Sabine Courtois. Cette grand-mère débordante d’énergie est devenue – depuis Paris où elle vit – la cheville ouvrière de l’accueil des pèlerins à Navarrenx. Une rencontre providentielle. « L’abbé Ludovic de Lander a été confié à la prière de ma fille cadette Laetitia », raconte Sabine. Depuis plusieurs mois, elle active les réseaux scouts, frappe à la porte des séminaires de France pour qu’un nombre suffisant d’« accueillants » se succèdent cet été à Navarrenx. D’ici à la fin du mois d’août, ils seront une cinquantaine à donner une semaine de leurs vacances. Un premier témoignage de la foi qui les anime.
En matière d’évangélisation, c’est Jésus qui fait 90 % du travail.
L'abbé Ludovic de Lander
Blandine, Blanche, Élisabeth, Laetitia et Louis ont choisi d’aller à la rencontre des pèlerins le temps d’une semaine. Issus de « familles où ils ont spirituellement beaucoup reçu », ils ont déjà conscience, malgré leur jeune âge, qu’ils doivent partager une partie de ce trésor. Et en témoigner, ce qui n’est pas toujours simple. « Une fois, une dame m’a confié ne plus avoir la foi. Je n’ai pas su quoi lui dire... », témoigne humblement Laetitia, la fille cadette de Sabine Courtois. Régulièrement au cours de leur séjour, l’abbé de Lander forme ainsi les « accueillants » à la mission. Un sujet qui compte pour ce prêtre, passé par la formation « Des pasteurs selon mon cœur » et qui travaille activement à la conversion pastorale de sa paroisse. « La joie est le secret gigantesque du chrétien, disait Chesterton. Nous devons annoncer quelque chose d’heureux, sinon ça ne passe pas. Ensuite, il faut savoir écouter, ne jamais s’imposer tout en restant capable d’audace et de provoquer la rencontre. En effet, sur le chemin plus qu’ailleurs, les pèlerins attendent d’être bousculés », assure l’abbé.
Centrées sur l’accueil des marcheurs, les journées des missionnaires sont aussi rythmées par des temps de prière (laudes, messes, adorations...), signifiant que, « en matière d’évangélisation, c’est Jésus qui fait 90 % du travail ». Et parce que rien n’est impossible à Dieu, le curé de Navarrenx rêve de prêtres itinérants et géolocalisables qui appartiendraient à une paroisse consacrée au chemin et qui pourraient préparer aux sacrements l’espace des semaines que dure un pèlerinage vers Compostelle. « Sur le chemin comme ailleurs, l’urgence est à la mission. »
Et aussi : entre Le Puy et Conques
Initiés par Blandine et Arthur de Lassus, un jeune couple installé dans le Sud de la France, les Semeurs en chemin vont, depuis 2016, à la rencontre des pèlerins de Compostelle.
Cet été encore, entre le 5 et le 13 août, ils seront une vingtaine de chrétiens missionnaires à marcher deux par deux, principalement entre Le Puy et Conques (ou Conques et Cahors), disponibles à la rencontre et disposés à témoigner de leur foi. Ceux qui ne marchent pas peuvent aussi assurer un service d’accueil des pèlerins dans une église du chemin. Tous vivent ensemble la première et la dernière journée de cette démarche, partageant temps de formation à l’évangélisation, de prière commune et de fraternité.
Benjamin Coste
paroisse-navarrenx-sauveterre.fr
Contact : sabinects@hotmail.com
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